Décision n° 02-323 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 16 avril 2002 demandant à France Télécom d'apporter des modifications à son offre de référence pour l'accès à la boucle locale




Vu le règlement (CE) n° 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale, et notamment son article 4 ;

Vu la directive 96-19 de la Commission Européenne du 13 mars 1996 relative à la réalisation de la pleine concurrence sur le marché des télécommunications ;

Vu le code des postes et télécommunications et notamment  ses articles D. 99-23 à D. 99-26 ;

Vu l’arrêté du 12 mars 1998 autorisant France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public ;

Vu la décision n° 01-750 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 25 juillet 2001 établissant pour 2002 la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché du service téléphonique fixe et celui des liaisons louées ;

Vu la décision n° 01-1006 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 17 octobre 2001 fixant le taux de rémunération du capital prévu à l’article D.99-24 du code des postes et télécommunications, employé pour évaluer les tarifs du dégroupage de la boucle locale de France Télécom pour l’année 2002 ;

Vu la décision n° 00-1171 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 31 octobre 2000 établie en application de l’article D.99-24 du code des postes et télécommunications ;

Vu la décision n° 00-1176 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 31 octobre 2000 adoptant les lignes directrices relatives à la vérification de l’orientation des tarifs vers les coûts dans le cadre de l’accès à la boucle locale ;

Vu la décision n° 01-1206 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 14 décembre 2001 complétant la décision n° 01-750 en date du 25 juillet 2001 établissant pour l’année 2002 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur un marché de télécommunications ;

Vu la décision n° 01-135 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 8 février 2001 demandant à France Télécom d’apporter des modifications à son offre de référence pour l’accès à la boucle locale;

Vu l’offre de référence d’accès à la boucle locale de France Télécom datée du 16 juillet 2001 ;

Vu le courrier de France Télécom en date du 11 avril 2002 transmettant à l’Autorité une nouvelle version de l’offre de référence d’accès à la boucle locale ;

Vu les courriers adressés par l’Autorité à France Télécom datés du 11 janvier 2002, du 5 mars 2002 et du 2 avril 2002 ;

Vu les courriers adressés par France Télécom à l’Autorité datés du 12 mars 2002 et du 10 avril 2002.

Après en avoir délibéré le 16 avril 2002,

1. Sur le cadre juridique

L’article 3 du règlement (CE) n° 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale, qui est entré en vigueur le 2 janvier 2001, dispose, en son alinéa 1er, que " les opérateurs notifiés publient à partir du 31 décembre 2000 et tiennent à jour une offre de référence pour l’accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes, qui incluent au minimum les éléments énumérés dans l’annexe ".

L’article D. 99-25 du code des postes et télécommunications dispose en outre que " les opérateurs mentionnés au premier alinéa de l’article D. 99-23 sont tenus de publier une offre de référence pour l’accès à la boucle locale contenant une description des prestations ainsi que des modalités, conditions et prix qui y sont associés ", étant précisé que le premier alinéa dudit article D. 99-23 vise les opérateurs inscrits sur la liste établie en application du 7° de l’article L. 36-7 du code des postes et télécommunications.

Dans sa décision n° 01-750 en date du 25 juillet 2001, prise en application des dispositions de l’article L. 36-7 7° du code des postes et télécommunications, l’Autorité de régulation des télécommunications, après avis du Conseil de la concurrence du 17 juillet 2001, a désigné France Télécom comme opérateur exerçant une influence significative sur le marché de détail du service téléphonique fixe, pour l’année 2002. La décision précitée du 25 juillet 2001 a été confirmée par une décision n° 01-1206 du 14 décembre 2001, prise après avis du Conseil de la concurrence du 5 décembre 2001, sur le fondement des nouvelles dispositions de l’article L. 36-7 7° issues de l’ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 portant adaptation au droit communautaire du code de la propriété intellectuelle et du code des postes et télécommunications.

L’article 4 2. a) du règlement européen précité habilite les autorités réglementaires nationales à " imposer des modifications de l’offre de référence pour l’accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes, y compris les prix lorsque ces modifications sont justifiées ".

L’Autorité de régulation des télécommunications peut donc imposer sur cette base des modifications de l’offre de référence de France Télécom.

2. Sur le processus engagé préalablement à l’adoption de cette décision

L’Autorité de régulation des télécommunications a par sa décision 01-135 en date du 8 février 2001, demandé une première fois à France Télécom de modifier son offre de référence pour le dégroupage de la boucle locale.

Le processus de concertation engagé depuis trois ans s’est poursuivi tout au long de l’année 2001, et en particulier à l’occasion des réunions du groupe de travail présidé par M. Alain Bravo, et qui a rassemblé divers acteurs dont notamment France Télécom.

A la lumière des travaux réalisés dans ce cadre, il est apparu qu’un certain nombre de points de l’offre de référence en vigueur devaient être modifiés.

Au travers de différents échanges écrits et oraux, l’Autorité a pris connaissance des explications complémentaires de France Télécom relatives à son offre de référence, publiée le 16 juillet 2001 ; l’Autorité a fait part à France Télécom de ses observations.

Par courrier du 2 avril 2002, l’Autorité a indiqué à France Télécom quels points de l’offre de référence devaient être modifiés à ce stade.

Les réponses fournies par France Télécom le 10 avril 2002 et la nouvelle version de l’offre de référence reçue le 11 avril n’apportant pas l’ensemble des évolutions attendues par l’Autorité, celle-ci considère qu’il est nécessaire de faire application des dispositions du règlement susvisé et de demander à France Télécom de modifier son offre de référence.

3. Sur les demandes de modifications de la prestation de colocalisation des équipements des opérateurs tiers

3.1 Cadre réglementaire

L’avant dernier alinéa de l’article D. 99-23 du code des postes et télécommunications dispose que: " …les demandes de colocalisation sont traitées par les opérateurs mentionnés au premier alinéa dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires. "

L’article 3.2 du règlement européen susvisé du 18 décembre 2000 prévoit que : " à partir du 31 décembre 2001, les opérateurs notifiés accèdent à toute demande raisonnable des bénéficiaires visant à obtenir un accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes, à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires. " Il précise également que : " les opérateurs notifiés fournissent aux bénéficiaires des ressources équivalentes à celles qu’ils fournissent à leurs propres services ou à des entreprises qui leur sont associées dans les mêmes conditions et délais. "

Enfin, outre l’article 4.2 précité, l’article 4.3 du règlement européen susvisé du 18 décembre 2000 prévoit que " l’Autorité réglementaire nationale peut intervenir, lorsque cela se justifie, de sa propre initiative pour assurer la non discrimination, une concurrence équitable ainsi que l’efficacité économique et le plus grand bénéfice pour les utilisateurs. "

3.2 Prestation de colocalisation actuellement mise en œuvre

Pour répondre aux demandes de colocalisation des équipements des opérateurs, France Télécom a retenu dans son offre de référence du 16 juillet 2001, reprise par la nouvelle version communiquée à l’Autorité le 11 avril 2002, une solution dite " nominale " de colocalisation physique qui requiert l’aménagement d’une salle spécifique pour les opérateurs tiers. Il apparaît aujourd’hui que ces salles de cohabitation dédiées aux opérateurs tiers ont donné lieu à des travaux d’aménagement et de construction variant de 50 000 euros environ à plus de 200 000 euros par salle, auxquels viennent s’ajouter des coûts d’installation de l’énergie et de la climatisation de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Les quotes-parts par opérateurs en résultant dépendent directement du nombre d’opérateurs installés dans chaque salle. Ainsi, les quotes-parts par opérateur en région parisienne, où de nombreux opérateurs ont commandé des emplacements, ont pu être voisines de 20 000 euros. En revanche, les quotes-parts par opérateurs sont nécessairement élevées dans les zones moins denses où peu d’opérateurs se colocalisent. Au mois de mars 2002, 85 % des sites de colocalisation étaient ainsi situés autour de Paris, Lyon ou Marseille et aucune salle de colocalisation n’avait été commandée hors des grandes agglomérations.

Il apparaît donc que l’aménagement d’une salle dédiée génère d’importants coûts initiaux, qui constituent une barrière à l’entrée dès lors que quelques opérateurs seulement partagent ces coûts.

Dans ces conditions, l’Autorité considère que cette solution de cohabitation en salles dédiées n’est pas de nature à permettre un large déploiement territorial du dégroupage au bénéfice des particuliers et des entreprises. Il y a donc lieu de mettre en œuvre des modalités de colocalisation assurant une meilleure efficacité économique et donc des coûts de colocalisation plus faibles.

France Télécom avait également prévu dans son offre de référence du 16 juillet 2001, reprise par la nouvelle version communiquée à l’Autorité le 11 avril 2002, une procédure de commande de colocalisation dite " sous réserve ", qui permet à un opérateur de ne pas passer commande d’une salle de cohabitation lorsque sa quote-part, calculée par France Télécom sur la base des commandes des autres opérateurs, est supérieure à 45 734,70 euros. L’opérateur se voit proposer, le cas échéant, une solution de colocalisation dite " subsidiaire ", consistant, au choix de France Télécom, en la construction d’un " shelter " (structure légère dédiée aux opérateurs) ou bien en une solution de "cohabitation virtuelle ", où les équipements peuvent être installés dans les salles existantes, la maintenance de premier niveau étant assurée par France Télécom. Ainsi, aux termes de l’offre de référence du 16 juillet 2001, " France Télécom étudie la mise en œuvre de solutions subsidiaires dans l’ordre suivant (si France Télécom propose une solution, aucune solution de rang supérieur ne sera proposée) :

1) Installation d’un shelter dans l’enceinte du site France Télécom concerné.

2) Installation d’un shelter (ou aménagement de tout autre local) en localisation distante à moins de 500 m du répartiteur. […]

3) " cohabitation virtuelle ". 

Il apparaît donc que l’installation des équipements des opérateurs dans les salles existantes de France Télécom n’est envisagée qu’en dernier recours et peut être refusée par France Télécom. Il apparaît en outre que cette solution de " cohabitation virtuelle " est soumise à des conditions restrictives sur le type d’équipements que les opérateurs peuvent déployer car les techniciens de France Télécom doivent en assurer la maintenance de premier niveau. Comme l’a indiqué France Télécom dans son courrier à l’Autorité en date du 10 avril 2002, il n’est pas raisonnable de lui demander d’assurer la maintenance d’une très grande diversité d’équipements. En conséquence, la solution de cohabitation virtuelle ne peut pas être retenue pour un large déploiement du dégroupage.

Il apparaît en outre que, tant la solution de shelter que la cohabitation virtuelle, ne sont pas des solutions pérennes car France Télécom s’est réservé la possibilité d’imposer une migration vers une salle dédiée, notamment lorsque qu’un autre opérateur commande une telle salle sur le site considéré. Ainsi, lorsqu’un opérateur a choisi une telle solution subsidiaire il peut être amené, sans son consentement, à devoir déplacer ses équipements vers une salle dédiée nouvellement construite. Une telle migration génère une complexité opérationnelle importante, puisque les lignes des clients doivent être déplacées au sein du répartiteur, sans pour autant que le service ne soit coupé. En outre, l’opérateur doit alors payer une quote-part de la salle dédiée construite à la demande d’autres opérateurs, cette somme venant s’ajouter à celle déjà engagée pour la solution subsidiaire.

Enfin, la construction d’un shelter dédié aux opérateurs n’apparaît pas comme la solution la plus simple à mettre en œuvre : elle nécessite la construction d’un socle spécifique et peut, par sa situation, générer l’aménagement de chemins de câbles assez longs et coûteux alors même que des espaces seraient disponibles dans les bâtiments même de France Télécom.

L’Autorité considère donc que ces solutions " subsidiaires " ne sont pas des solutions viables, de nature à permettre un large déploiement du dégroupage.

L’Autorité note par ailleurs que France Télécom installe, pour ses propres besoins, ses équipements xDSL dans des salles existantes de ses sites de répartiteurs et ne construit pas de nouvelle salle spécifique ni de structure de type shelter, ce qui conduit pour elle-même à des modalités et des coûts d’installation des équipements xDSL bien plus favorables que pour les opérateurs tiers. En conséquence, les solutions de colocalisation mentionnées ci-dessus conduisent le plus souvent à un traitement discriminatoire des opérateurs tiers lors de l’installation de leurs équipements.

3.3 Solution de colocalisation dans les salles de France Télécom

France Télécom a fait parvenir à l’Autorité le 11 avril 2002 une nouvelle version de l’offre de référence pour le dégroupage où elle propose une nouvelle modalité de colocalisation, qu’elle nomme " solution intérimaire ", consistant  pour les opérateurs " à installer et exploiter leurs équipements dans un espace dédié à la cohabitation désigné par France Télécom dans une salle du bâtiment de France Télécom non dédiée à cet effet et pouvant généralement être déjà utilisée par France Télécom ".

L’Autorité considère à cet égard que l’installation des équipements des opérateurs tiers dans des salles existantes des bâtiments de France Télécom et non dédiées à cet usage constitue une solution de colocalisation susceptible d’assurer une meilleure efficacité économique et un traitement non discriminatoire des opérateurs tiers.

A cet égard, l’Autorité note que plusieurs pays européens ont déjà prévu dans la période la plus récente une telle solution de colocalisation, souvent nommée " co-mingling ".

L’Autorité considère cependant que, pour être viable, cette solution de colocalisation physique dans des salles communes à France Télécom et aux opérateurs doit être assortie de certaines modalités opérationnelles et tarifaires.

Pour les raisons exposées ci-après, l’Autorité considère que les modalités opérationnelles et tarifaires proposées par France Télécom dans son offre de référence du 11 avril 2002 ne sont pas satisfaisantes, et dès lors, qu’il y a lieu de définir des modalités permettant, en application des articles 3 et 4 du règlement européen relatif au dégroupage de la boucle locale, un traitement non discriminatoire des opérateurs et une meilleure efficacité économique.

a) Solution générale et pérenne

En premier lieu, l’Autorité considère que cette solution de colocalisation doit pouvoir être réalisée à la demande d’un opérateur et sans aucune autre condition que celle de l’espace disponible dans le site considéré. L’espace nécessaire sera évalué en fonction des demandes des opérateurs. Il pourra se limiter le cas échéant à quelques mètres carré. En cas de manque d’espace, France Télécom devra proposer à l’opérateur demandeur une procédure contradictoire permettant d’établir l’absence effective de surface disponible, et notamment une visite du site concerné.

L’Autorité considère cependant que, dans les sites où à la date de la présente décision une salle de cohabitation dédiée a été commandée fermement par un opérateur, le recours à la solution précédente n’est plus nécessaire et ne correspond pas à la meilleure efficacité économique. Il est en effet plus efficace que les nouveaux emplacements soient situés dans les salles pour lesquels des investissements importants ont déjà été consentis et des travaux prévus ou engagés. Dans ce cas, l’installation des équipements des opérateurs tiers pourra continuer à se faire dans la salle dédiée déjà commandée.

Il apparaît qu’une opération de migration des équipements au sein d’un bâtiment de France Télécom est une opération très lourde, qui nécessite de déplacer des extrémités de lignes sans que des coupures de service y soient associées. En outre, il importe que les opérateurs aient dès leur décision d’investissement une vision claire des coûts associés et une certitude que de nouveaux coûts, associés à une migration, ne viendront pas s’y ajouter de façon impromptue.

Dans ces conditions, un opérateur installé dans le cadre de cette solution ne saurait raisonnablement se voir imposer une migration de ses équipements déjà installés vers un autre espace, ce qui conduirait en outre à une situation discriminatoire par rapport aux équipements installés par France Télécom pour ses propres besoins. L’Autorité considère pour ces raisons qu’une solution de colocalisation dans des salles communes aux opérateurs et à France Télécom ne peut être viable que si elle est pérenne.

En conclusion, l’Autorité écarte la solution avancée par France Télécom dans sa nouvelle offre du 11 avril 2002 qui ne crée qu’une solution " intérimaire " assortie d’une obligation de migrer lorsqu’un autre opérateur commande une salle dédiée, ou une solution subsidiaire dans le même site, qui ne conduit pas à une bonne efficacité économique et se traduit par une discrimination.

b) accès aux équipements par les intervenants des opérateurs tiers

L’Autorité considère qu’il y lieu, en application de l’article 3 du règlement européen relatif au dégroupage de la boucle locale et de son annexe, de définir les conditions d’accès aux équipements colocalisés pour le personnel des opérateurs concernés et leurs sous-traitants.

La mise au point de conditions appropriées est en effet nécessaire pour garantir que la solution de colocalisation physique, susceptible aujourd’hui de mieux assurer l’extension du dégroupage et la non-discrimination, soit mise en œuvre de façon opératoire et conforme à ces objectifs.

L’Autorité considère à cet égard que la solution d’accès retenue doit permettre une gestion opérationnelle simple et une bonne efficacité économique, tout en assurant le respect des conditions de sécurité afférentes aux sites de France Télécom.

France Télécom a prévu dans son offre de référence du 11 avril 2002 un accès sur rendez-vous et accompagné. France télécom a en outre précisé que " les demandes d’intervention des opérateurs dans l’espace dédié devront être regroupées et limitées en nombre, France Télécom ne pouvant assurer simultanément l’accompagnement dans divers sites d’une même région ". Or l’accès aux équipements des opérateurs tiers a lieu notamment lors de problèmes ou de pannes rencontrés sur les équipements colocalisés, événements non prévisibles. De plus, en phase de démarrage du dégroupage, un accès régulier aux équipements peut être nécessaire pour pallier les difficultés inhérentes au lancement d’une nouvelle activité. A cet égard, la prise de rendez-vous systématique ainsi que le regroupement des interventions apparaît comme une contrainte opérationnelle très forte, de nature à rendre cette solution de colocalisation inopérante dans la pratique.

L’Autorité relève en outre que le tarif proposé par France Télécom dans sa nouvelle version de l’offre de référence du 11 avril 2002 pour la prestation d’accompagnement s’élève à 59.5 € par heure en ouvre ouvrable et 120.42 € en heures non ouvrables. France Télécom prévoit également la possibilité d’un recours à une entreprise spécialisée pour cette prestation, dont le montant sera défini au cas par cas.

Les opérateurs sont amenés à intervenir sur leurs équipements lors de l’installation initiale, qui peut durer plusieurs jours, puis lors de la mise à jour ou de la réparation des équipements. En phase de démarrage du dégroupage, les difficultés techniques et opérationnelles peuvent nécessiter un accès régulier. Dans ces conditions, il apparaît que le coût d’accompagnement pour les opérateurs serait très élevé. France Télécom n’ayant pas à supporter ce coût pour ses propres opérations ou celles de ses sous-traitants, il sera donc de nature à rendre cette solution de colocalisation inopérante et discriminatoire.

Il apparaît que les intervenants des opérateurs tiers auront besoin de circuler :

  • dans les couloirs menant à l’espace où sont installés leurs équipements ;
  • dans l’espace même où se trouvent leurs équipements.

L’Autorité est consciente des préoccupations de sécurité et d’intégrité du réseau que France Télécom a mentionnées dans son courrier du 10 avril 2002, et sur la base duquel elle a proposé un accès accompagné dans son offre de référence du 11 avril 2002.

S’agissant des couloirs du bâtiment, il apparaît que France Télécom peut légitimement définir un chemin autorisé au sein de son bâtiment et conduisant à l’espace de colocalisation, en dehors duquel la circulation des intervenants des opérateurs tiers ne sera pas autorisée.

S’agissant de l’espace de colocalisation lui-même, l’Autorité note que la possibilité de délimiter l’espace alloué aux opérateurs tiers par des grillages légers ou des marques au sol permet de circonscrire facilement la zone d’action des intervenants des opérateurs tiers et répond aux préoccupations de sécurité et d’intégrité du réseau de France Télécom.

L’Autorité a pris en compte la situation de plusieurs pays européens, et notamment l’Espagne et le Royaume-Uni, qui ont prévu des solutions d’accès sans accompagnement aux équipements des opérateurs tiers situés dans les mêmes salles que les équipements de l’opérateur historique. Il n’apparaît pas que les sites français aient une spécificité propre interdisant le recours à une solution similaire.

Pour ces raisons, un accès permanent, sans accompagnement et sans rendez-vous préalable apparaît comme une solution raisonnable au regard des capacités de France Télécom à la mettre en œuvre sans risque pour son réseau et ses bâtiments. Il permet de disposer d’une solution d’accès non discriminatoire et économiquement efficace.

En conséquence, un accès permanent sans accompagnement et sans rendez-vous doit, dans le cas général, être proposé aux intervenants des opérateurs tiers et de leurs sous-traitants. Ainsi, dans les sites disposant d’un système d’accès par badge électronique, France Télécom doit mettre à disposition des opérateurs tiers des badges leur permettant un accès permanent sans rendez-vous. Le nombre de badges mis à disposition devra être suffisant pour répondre aux besoins des opérateurs tiers et de leurs sous-traitants au regard du volume de leurs tâches opérationnelles. Dans les autres sites, une solution équivalente devra être proposée par France Télécom aux opérateurs tiers, afin qu’ils puissent y accéder dans les mêmes conditions que le personnel de France Télécom et ses sous-traitants.

Le délai d’obtention d’un moyen concret d’accès aux sites pour les intervenants des opérateurs, tel par exemple que des badges électroniques, devra être équivalent à celui du personnel de France Télécom et des ses sous-traitants, et compatible avec le délai de livraison de l’espace par France Télécom.

Dans les sites sans gardien de France Télécom, une information préalable de France Télécom pourra avoir lieu avant une intervention en heure non ouvrable.

En cas d’incident ou de non observation des consignes de sécurité par les intervenants des opérateurs tiers, leur responsabilité pourra être engagée.

Le tarif d’un tel accès devra correspondre au coût d’utilisation du système d’accès existant et utilisé par le personnel de France Télécom et ses sous-traitants. En particulier, l’Autorité considère qu’une telle prestation d’accès ne pourra pas donner lieu à des investissements spécifiques de France Télécom

c) délai de mise à disposition d’un espace de colocalisation

Il apparaît que la livraison d’un espace de colocalisation commun à France Télécom et aux opérateurs comprend les étapes suivantes :

  • identification par France Télécom des surfaces disponibles dans ses locaux et de celles présentant la meilleure efficacité économique : cette opération peut avoir lieu au niveau régional, selon des procédures variables. Néanmoins, s’agissant de surfaces déjà aménagées par France Télécom pour ses propres besoins, cette opération doit pouvoir être menée rapidement.

  • pose des installations communes par France Télécom et ses sous-traitants, c’est-à-dire d’un répartiteur cuivre et d’un répartiteur optique, d’armoires de distribution électrique pour les équipements des opérateurs, et le cas échéant d’une démarcation entre l’espace des opérateurs et celui de France Télécom. Aucun travail au niveau des murs ou du bâtiment lui-même n’est nécessaire. De la même façon, la pose de travées n’est pas nécessaire et peut être laissée à la charge des opérateurs.

L’Autorité considère donc que l’installation des équipements dans des espaces communs à France Télécom et aux opérateurs doit permettre de raccourcir très sensiblement les délais de mise à disposition des espaces de colocalisation par rapport au cas d’une salle dédiée. A cet égard, les délais proposés par France Télécom dans sa nouvelle offre de référence du 11 avril 2002, identiques à ceux de la construction d’une salle dédiée, ne peuvent pas être retenus.

L’Autorité note que le délai de réalisation des espaces de " co-mingling " est très faible dans certains pays européens comme en Espagne, où il est de 15 jours ouvrés, ou au contraire beaucoup plus long comme en Belgique, où il est de deux mois.

La rapidité de réponse à une demande de colocalisation d’un opérateur tiers apparaît aujourd’hui comme un élément déterminant pour le déploiement des opérateurs tiers, alors que le marché haut débit connaît une croissance rapide et que France Télécom déploie, pour ses propres besoins, des équipements xDSL dans plusieurs centaines de nouveaux répartiteurs chaque année. Il est donc essentiel, pour un traitement non discriminatoire des opérateurs tiers, que la colocalisation puisse avoir lieu dans les meilleurs délais.

En conséquence, l’Autorité considère que l’identification de la surface adéquate doit être réalisée dans un délai de deux semaines à compter de la demande d’un opérateur. La préparation de l’espace doit pouvoir être réalisée dans un délai de six semaines à compter de l’identification de cette surface.

Au total, l’Autorité considère qu’il est raisonnable de demander à France Télécom d’avoir préparé un espace de colocalisation dans une salle commune à France Télécom et aux opérateurs au plus tard huit semaines après la demande initiale d’un opérateur. Les mêmes compensations que dans les cas de retard de livraison des salles dédiées doivent s’appliquer.

Dans le cas où un espace est déjà aménagé, le délai de préparation de nouveaux emplacements pour un opérateur venant s’installer dans le même espace doit être sensiblement réduit par rapport au délai précédent.

d) Prestation standard de colocalisation dans une salle commune à France Télécom et aux opérateurs et tarification associée.

En vertu de l’article D. 99-24 du code des postes et télécommunications, la prestation de colocalisation physique dans des salles communes à France Télécom et aux opérateurs devra être orientée vers les coûts correspondants. En particulier, les coûts devront être cohérents avec ceux établis dans le cadre de l’interconnexion pour des prestations similaires.

L’Autorité relève que le mode de tarification sur devis des travaux pour les salles dédiées et les prestations associées rend fortement imprévisible le montant de l’investissement nécessaire pour les opérateurs et a freiné les projets de déploiement des opérateurs. Dans le cas des salles dédiées, cette forte variabilité pouvait résulter des travaux de bâtiments différents d’un site à l’autre, et du nombre très variable et imprévisible d’opérateurs partageant ces coûts initiaux importants. Cette situation a créé une barrière à l’entrée des opérateurs sur le marché du dégroupage car ils n’étaient pas en mesure d’apprécier les investissements nécessaires, qui étaient très variables en fonction des sites, de façon indépendante du nombre de clients potentiels.

Dans le cas de la colocalisation dans des salles existantes et communes à France Télécom et aux opérateurs, l’Autorité considère que la prestation de préparation initiale de l’espace par France Télécom peut être au contraire prédéfinie et très proche dans les différents sites. De ce fait, une tarification simple doit pouvoir être associée à ce mode de colocalisation, donnant une visibilité aux opérateurs sur les investissements à réaliser et leur permettant de faire des plans de déploiement réalistes.

En outre, la colocalisation dans les salles existantes de France Télécom doit permettre de réutiliser les infrastructures déjà installées par France Télécom, en particulier pour l’énergie, la climatisation, et certains chemins de câbles : alors que dans le cas des salles dédiées, ces infrastructures étaient dupliquées pour les opérateurs tiers, elles doivent dans le cas présent être réutilisées, voire étendues le cas échéant. Dans tous les cas, les extensions qui seraient nécessaires ne seront pas dédiées aux opérateurs tiers. En conséquence, une telle mutualisation des infrastructures doit pouvoir conduire à une tarification récurrente et donc à une meilleure efficacité économique.

L’Autorité note à cet égard que plusieurs pays européens ont retenu un mode de tarification fixé a priori pour ce type de colocalisation, notamment l’Espagne et la Grande-Bretagne où les tarifs correspondants sont bien plus faibles que pour des salles dédiées.

En conséquence, l’Autorité considère qu’il est économiquement efficace qu’un tarif soit fixé a priori dans l’offre de référence pour cette prestation standard. En application de l’article 3 du règlement européen et de l’article D 99-24 du décret, ce tarif doit être fixé en fonction de l’analyse des coûts associés à sa réalisation.

La nouvelle version de l’offre de référence de France Télécom communiquée à l’Autorité en date du 11 avril 2002, qui fait reposer les tarifs de la nouvelle solution de colocalisation sur un devis établi au cas par cas, ne correspond donc pas à la meilleure solution économique et doit être rejetée.

L’Autorité considère en particulier que :

  • L’installation initiale d’éléments spécifiques aux opérateurs par France Télécom doit être optimisée et limitée au strict nécessaire pour assurer la meilleure efficacité économique et donner lieu à un tarif initial beaucoup plus faible que celui constaté aujourd’hui dans le cadre de la colocalisation en salles dédiées. En particulier, l’installation des travées par France Télécom n’est pas strictement nécessaire.
  • Les salles utilisées pour l’espace de colocalisation doivent être choisies en fonction d’un critère de meilleure efficacité économique et doivent donc correspondre à des salles soit déjà utilisées par France Télécom soit utilisables ultérieurement. Dans ces conditions, les aménagements complémentaires à réaliser pour ces salles doivent être minimaux et pour l’essentiel d’usage commun aux équipements des opérateurs et de France Télécom.
  • L’usage des locaux et des infrastructures générales de France Télécom (notamment énergie, chauffage, climatisation, éclairage) doit être rémunéré sur une base mensuelle, en fonction des coûts correspondants. Il apparaît que les tarifs annuels de location de l’espace dans le cadre de l’interconnexion rémunèrent l’usage de locaux et d’infrastructures similaires de France Télécom et doivent servir de base à l’établissement du tarif annuel de location de l’espace.

A ce jour l’Autorité ne dispose pas d’éléments de coûts suffisants pour établir ces tarifs.

En conséquence, l’Autorité demande à France Télécom de proposer des tarifs orientés vers les coûts et tenant compte des éléments précités pour cette prestation de colocalisation et, en application de l’article D 99-23, de lui communiquer tous les éléments d’informations lui permettant de vérifier l’orientation vers les coûts de ce tarif.

  1. Sur les demandes de modifications de la prestation de commande et de livraison des paires dégroupées

L’Autorité considère que, en application du principe de non discrimination, les processus mis en œuvre dans le dégroupage doivent, dans la mesure du possible, être similaires à ceux mis en œuvre pour d’autres prestations utilisant des processus équivalents. Ainsi, elle a noté que France Télécom était prête à appliquer les mêmes conditions dans le cadre du dégroupage et d’autres prestations, dès lors que les processus étaient identiques. En conséquence, l’Autorité demande à France Télécom d’inscrire ce principe d’équivalence des processus entre le dégroupage et les autres prestations de France Télécom dans son offre de référence et de lui donner une traduction concrète dans ses travaux actuels sur les processus du dégroupage.

4.1 Sur les délais

En vertu de l’article 3 du règlement européen relatif au dégroupage de la boucle locale, France Télécom doit fournir aux opérateurs tiers des ressources équivalentes à celles qu’elle fournit à ses propres services ou filiales, dans les mêmes conditions ou délais. Cette disposition est reprise par l’article D. 99-23 du code des postes et télécommunications en vertu duquel France Télécom doit traiter les demandes des opérateurs tiers de façon objective, transparentes et non discriminatoire.

En particulier, France Télécom doit appliquer un principe d’équivalence de traitement entre la fourniture des paires dégroupées aux opérateurs tiers et les opérations internes comparables.

France Télécom a indiqué à l’Autorité qu’elle n’était pas en mesure de garantir plus précisément le délai maximal de fourniture d’un accès dégroupé, notamment parce que les processus concrets variaient en fonction des sites considérés. Cependant, le seul affichage d’un délai maximal de sept jours ouvrés apparaît comme insuffisant pour l’organisation opérationnelle et commerciale des opérateurs : ceux-ci ne peuvent baser leurs offres que sur ce délai uniforme sur tout le territoire, alors même que les délais observés dans la réalité sont très sensiblement différents.

A cet égard, il apparaît que la mesure et l’affichage des délais associés aux processus de dégroupage rendrait ces processus plus prévisibles et plus transparents pour les opérateurs. Du côté de France Télécom, une telle mesure peut être raisonnablement mise en œuvre sans modifier les processus existants.

L’Autorité demande donc à France Télécom de mesurer et de publier les délais moyens pertinents dans le processus de traitement des commandes des paires dégroupées, selon une méthodologie qu’elle devra préciser. En particulier, l’Autorité est consciente que le délai de traitement peut varier fortement en fonction des zones géographiques ou des types de répartiteur concernés. France Télécom devra donc proposer une mesure qui tienne compte de cette variabilité géographique.

4.2 Sur la gestion des erreurs

L’Autorité considère également que la mise en œuvre de ce principe nécessiterait que les taux d’erreurs de France Télécom lors du traitement des commandes des opérateurs soient comparables à ceux d’opérations internes similaires.

Il apparaît à ce stade que la livraison des paires dégroupées donne encore lieu à un taux d’erreurs significatif et génère de ce fait de nombreuses requêtes auprès du service après vente de dégroupage de France Télécom. De même, les opérateurs tiers ont fait état auprès de l’Autorité de leurs difficultés à suivre l’évolution des fichiers échangés avec France Télécom, notamment pour la commande de paires dégroupées, ce qui générait un taux important de commandes rejetées pour non conformité.

En conséquence, l’Autorité considère qu’à ce jour l’absence de processus optimisés pour le dégroupage crée une situation discriminatoire entre les opérateurs et France Télécom lors de l’entrée sur le marché du haut débit.

L’Autorité a relevé cependant que France Télécom travaillait à l’amélioration des processus existants, notamment dans le cadre d’un groupe de travail avec les opérateurs et l’Autorité. France Télécom a également indiqué à l’Autorité dans son courrier du 10 avril 2002 qu’elle travaillait à la recherche de solutions pragmatiques aux difficultés rencontrées, notamment sur le terrain.

Dès lors, l’Autorité considère que le travail d’optimisation des processus et de gestion des erreurs rencontrées doit effectivement avoir lieu de façon pragmatique et qu’il n’y a pas lieu à ce jour d’intervenir par la présente décision dans les processus de gestion d’erreurs.

Cependant, l’Autorité estime que l’application par France Télécom de pénalités, en cas d’erreurs commises par les opérateurs, renforce encore le caractère discriminatoire des processus non optimisés qui sont mis en œuvre. Dès lors, l’Autorité considère qu’il importe de supprimer cette source de discrimination, tant que les processus du dégroupage n’ont pas pu être optimisés et rectifiés pour conduire à des taux d’erreurs satisfaisants tant pour France Télécom que pour les opérateurs tiers.

L’Autorité considère donc qu’il y a lieu de supprimer provisoirement les frais de commande non conforme et les frais d’intervention à tort en SAV ou pour la mise à disposition d’un accès par activation d’un accès préexistant par tronçons, dans l’attente que l’optimisation en cours des processus ait abouti et que la phase d’apprentissage, tant de France Télécom que des opérateurs tiers, soit achevée. L’Autorité demande donc à France Télécom de ne pas appliquer ces frais jusqu’au 1er septembre 2002.

5. Sur les demandes de modifications des tarifs de l’offre de référence

5.1 Sur le tarif de l’abonnement mensuel pour la fourniture de l’accès

L’évaluation du tarif 2001

Le tarif en vigueur en 2001 s’élevait à 95 francs par ligne totalement dégroupée et par mois. Ce tarif résulte d’un calcul réalisé par France Télécom en novembre 2000 qui conduisait à un montant de 112 francs par mois, et qui a été révisé par l’Autorité dans sa décision 01-135.

Le calcul réalisé par France Télécom avait été établi sur la base d'une décomposition du coût de la ligne en coûts d'investissement de transport et de distribution, dits coûts d’investissement, coûts d'exploitation de transport et de distribution, dits coûts d’exploitation, coûts de branchement, coûts de service après-vente et coûts spécifiques au dégroupage.

Les coûts d'investissement avaient été évalués par France Télécom à partir d'un modèle dit de "coûts de remplacement". Ce modèle évalue le coût que représenterait aujourd'hui la construction d’un réseau de boucle locale cuivre de même étendue que celui de France Télécom, en le détaillant selon différents éléments de réseau : câbles, génie civil, et éléments de répartition. Pour chacun de ces éléments de réseau, un volume d'unités d'œuvre et un coût d'investissement par unité d'œuvre ont été évalués par France Télécom. Le produit des deux termes représente l'investissement total, qui est ensuite amorti sur la durée de vie de l'élément de réseau. Le coût mensuel par ligne des investissements ressortait ainsi à 68 francs, y compris la contribution aux coûts communs.

A ces coûts d'investissement avaient été ensuite ajoutés des coûts d'exploitation, et des coûts de service après-vente, ainsi que certains coûts spécifiques au dégroupage. Le tarif établi par France Télécom selon cette méthode était ainsi au total de 112 francs par mois.

Les modifications apportées par la décision 01-135 susvisée du 8 février 2001 ont concerné :

  • les coûts de génie civil, qui ont été réévalués sur la base des estimations fournies par une étude spécifique du cabinet BIPE ;

  • la non prise en compte des coûts relatifs au branchement : ces coûts non immobilisés dans les comptes de France Télécom ont été considérés comme des dépenses d’exploitation. Ils ont ainsi déjà été supportés par les consommateurs, et ne pouvaient faire l’objet d’un second recouvrement ;

  • la réévaluation des coûts d’intervention au titre du service après-vente : l’Autorité avait pris en compte la plus grande complexité d’une intervention.

Ces différents éléments ont conduit à établir le tarif de l’accès totalement dégroupé dans le cadre de la décision du 8 février 2001 à 95 francs, soit 14,48 euros par mois.

Le tableau ci-après synthétise ces évaluations :

Taux de rémunération du capital : 12,1%

Evaluation France Télécom

(novembre 2000)

Tarif établi

par la décision 01-135

Coûts en capital

61,76 F

9,42 €

54,50 F

8,31 €

Exploitation

15,44 F

2,35 €

15,44 F

2,35 €

Branchement

5,45 F

0,83 €

-

-

Service après vente

15,44 F

2,35 €

12,72 F

1,94 €

Traitement 1013

5,45 F

0,83 €

5,45 F

0,83 €

Interventions

9,99 F

1,52 €

7,27 F

1,11 €

Coûts spécifiques

3,63 F

0,55 €

3,63 F

0,55 €

Plate-forme de SAV

2,72 F

0,41 €

2,72 F

0,41€

Facturation et DCOP

0,91 F

0,14 €

0,91 F

0,14 €

Mark up de coûts communs

10,27 F

1,57 €

8,72 F

1,33 €

Total

112 F

17,07 €

95 F

14,48 €

Le mark up de coûts communs est de 10,1 % ; il s’applique à l’ensemble des coûts énumérés précédemment.

L’évaluation du tarif 2002

Par un courrier du 2 avril 2002, l’Autorité a communiqué à France Télécom le réexamen des coûts à prendre en compte en considérant les éléments suivants :

- le taux de rémunération du capital pour l’année 2002 défini par la décision 01-1006 de l’Autorité ;

- les derniers coûts audités disponibles, relatifs à l’exercice 1999, fournis par France Télécom dans le cadre du service universel, et en particulier le document intitulé " fiche 4 " qui présente les coûts de la boucle locale. Ces coûts historiques ne sont pas substitués aux CMILT, mais permettent d’évaluer la dispersion relative des coûts selon les zones de densité ;

- la progressivité du déploiement du dégroupage sur le territoire.

Dans sa réponse datée du 10 avril 2002, France Télécom a fait certaines remarques sur la méthode d’évaluation de l’Autorité, sans proposer toutefois de nouvelle évaluation chiffrée.

Sans justification préalable détaillée des coûts correspondants, France Télécom a transmis le 11 avril 2002 à l’Autorité une nouvelle offre de référence avec un nouveau tarif d’abonnement mensuel pour l’accès totalement dégroupé à 11,5 euros mais en indiquant que le CMILT correspondant s’établit à 13,96 euros. Cette offre inclut également un tarif de l’accès partagé à 3,5 euros.

L’Autorité a tenu compte de certaines des remarques formulées le 10 avril par France Télécom dans l’évaluation des tarifs 2002 du dégroupage mais a jugé indispensable de vérifier l’orientation des nouveaux tarifs proposés vers les coûts, comme indiqué ci-dessous.

  1. Le taux de rémunération du capital utilisé pour l’année 2002
  2. Conformément à la décision n° 01-1006 de l’Autorité, le taux de rémunération du capital à utiliser pour évaluer les tarifs du dégroupage de la boucle locale de France Télécom pour l’année 2002 est de 10,4%, au lieu de 12,1% pour l’année 2001.

    L’application de ce nouveau taux à la valorisation en CMILT des éléments de réseau utilisés pour calculer le tarif mensuel de l’accès totalement dégroupé entraîne mécaniquement une baisse de 0,81 € par mois des coûts de capital hors coûts communs.

  3. Les coûts d’exploitation et de service après-vente issus des comptes audités 1999
  4. Il a été procédé au rapprochement des coûts d’exploitation et de service après-vente fournis dans le cadre du dégroupage avec les coûts correspondants issus des comptes audités 1999 de France Télécom, et fournis dans le cadre du calcul de la composante de péréquation géographique du service universel.

    En effet, si les coûts de capital sont bien évalués en coûts de remplacement selon la méthode retenue par l’Autorité, en revanche les coûts d’exploitation utilisés par France Télécom sont des coûts prévisionnels issus de sa comptabilité analytique. Il a donc paru indispensable à l’Autorité d’utiliser les éléments comparables en sa possession pour analyser le niveau de ces coûts d’exploitation.

    Le document utilisé est celui relatif aux coûts du réseau local et fourni par France Télécom dans le cadre de l’évaluation du coût du service universel, dit " fiche 4 ", dont l’assiette est comparable à celle du dégroupage. Il se présente sous la forme d’un tableau de ventilation des coûts audités. Ce tableau comporte en colonnes les différents postes de coûts du réseau local (génie civil de transport et de distribution, infrastructure aérienne de transport et de distribution, câbles, répartiteurs, équipements de transmission, partie accès des commutateurs d’abonné), de raccordement (branchement raccordement lié ou non à la mise en service, service après-vente de boucle locale), de gestion des abonnés (ventes et administration des ventes, facturation recouvrement contentieux, mise en service, autre service après-vente). En lignes, ces postes de coût sont décomposés selon leur catégorie comptable (amortissement, coût du capital, coûts d’exploitation, matériel, personnel et travaux et frais de services extérieurs) et selon leur nature : coûts des actifs de production, coûts directs (bâtiments, véhicules…) et indirects (support, logistique).

    - les coûts d’exploitation du dégroupage ont été rapprochés de ceux apparaissant dans la fiche 4 relative au service universel et plus précisément des coûts d’exploitation correspondant aux colonnes câbles de transport et de distribution, augmentés des coûts indirects et d’exploitation correspondant aux colonnes " génie civil de transport et distribution ", " infrastructures aériennes de transport et de distribution ", et " répartition ". Le montant total correspondant est de 4 775 millions de francs. Ramené à la ligne sur la base de 31,5 millions de lignes analogiques en 1999, le coût d’exploitation moyen s’établit à 151,50 francs sur l’année, soit 12,62 francs ou 1,92 euro par ligne et par mois hors coûts communs.

    - les coûts de service après-vente correspondant aux interventions ont été rapprochés de la colonne " SAV boucle locale " de cette " fiche 4 ", d’un montant total de 2 340 millions de francs. Ce montant a été retraité pour tenir compte des règles définies par la décision 01-135 de l’Autorité et concernant les coûts d’intervention : 25% des coûts d’intervention ne sont pas à considérer dans le cadre du dégroupage, car ils correspondent à des interventions à tort, qui sont déjà recouvrés par un autre tarif dans le cas des lignes dégroupées. Aux 75% restants, coûts d’intervention pertinents pour le dégroupage, un coefficient de majoration de 1,3 est appliqué afin de tenir compte de la plus grande complexité opérationnelle d’intervention sur une ligne dégroupée. Au total, le coût d’intervention à la ligne s’établit à 0,92 € par ligne et par mois, hors coûts communs.

    S’agissant des coûts relatifs au " 10 13 ", l’Autorité a pris en compte les observations formulées par France Télécom selon lesquelles ces coûts sont comptabilisés dans la colonne " Autres coûts de SAV " et non dans celle intitulée " SAV boucle locale ". s’agissant de leur valorisation, l’Autorité s’est appuyée sur la valeur de 0,15 euro par mois et par ligne conformément aux éléments communiqués par France Télécom en mars 2002. Par un courrier électronique reçu dans la soirée du 12 avril, France Télécom a fait état d’une multiplication par quatre de ce coût du " 10 13 " qui aurait alors représenté la quasi-totalité des coûts de la colonne " Autres coûts de SAV " et ce, sans apporter de justification détaillée. Dans ces conditions, l’Autorité ne saurait accorder de crédit à une pareille augmentation et en reste à l’évaluation précédente de 0,15 euro, par ailleurs cohérente avec les données dont elle dispose concernant les différents éléments agrégés dans la colonne " Autres coûts de SAV " de la fiche 4.

    Il résulte de ces observations que les coûts d’exploitation et de service après-vente fournis dans le cadre du dégroupage de la boucle locale ont été surestimés en 2001, par rapport aux coûts correspondants audités de 1999.

    Dans son évaluation datant du 2 avril 2002, l’Autorité avait pris en compte un taux de coûts communs inférieur à 10,1% pour les postes de coûts issus de la " fiche 4 ". Suite aux arguments avancés par France Télécom dans sa lettre du 10 avril, ce taux de coûts communs est porté à 10,1%.

    Après prise en compte de ces facteurs, les coûts évalués pour 2002 se présentent comme suit  :

     

    2001

    établi par la décision 01-135

    2002

    Coûts en capital

    54,50 F

    8,31 €

    7,50 €

    Exploitation

    15,44 F

    2,35 €

    1,92 €

    Branchement

    -

    -

    -

    Service après vente

    12,72 F

    1,94 €

    1,07 €

    Traitement 1013

    5,45 F

    0,83 €

    0,15 €

    Interventions

    7,27 F

    1,11 €

    0,92 €

    Coûts spécifiques

    3,63 F

    0,55 €

    0,55 €

    Plate-forme de SAV

    2,72 F

    0,41 €

    0,41 €

    Facturation et DCOP

    0,91 F

    0,14 €

    0,14 €

    Mark up de coûts communs (10,1%)

    8,72 F

    1,33 €

    1,12 €

    Total

    95 F

    14,48 €

    12,16 €


    Le mark-up de coûts communs est de 10,1 % ; il s’applique à l’ensemble des coûts énumérés précédemment. S’agissant des coûts de capital, les valorisations 2001 et 2002 diffèrent du fait du taux de rémunération employé, respectivement de 12,1% et 10,4%.

  5. L’assiette des lignes à prendre en compte pour le calcul du tarif

Le coût établi précédemment est un coût moyen sur l’ensemble des lignes ; or, l’observation des commandes passées par les opérateurs alternatifs au cours de l’année 2001 montre leur tendance à se déployer des zones les plus denses vers les zones les moins denses.

Les différentes modélisations réalisées montrent que le coût moyen d’une ligne est fonction de la densité de la zone correspondante, ce coût croissant quand la densité baisse.

La progressivité observée du processus de dégroupage nécessite ainsi d’aménager la méthode de calcul afin de respecter le principe d’orientation des tarifs vers les coûts.

En effet, le tarif est aujourd’hui calculé en considérant les coûts de l’ensemble des lignes et l’orientation vers les coûts n’est pas assurée à ce stade du fait de l’absence de prise en compte des contraintes temporelles de déploiement. Cette situation est susceptible d’entraver le développement du dégroupage au-delà de l’espace restreint - concernant la clientèle professionnelle sur des segments géographiques limités - qu’il a commencé de couvrir au deuxième semestre 2001.

Dès lors, il n’est possible d’assurer le respect du principe d’orientation vers les coûts qu’en introduisant une notion de progressivité du dégroupage.

Concrètement, l’Autorité a utilisé les unités d’œuvre du modèle de calcul de la composante de péréquation géographique du service universel, fondé sur les coûts audités 1999 de France Télécom, pour évaluer la dispersion des coûts du réseau d’accès cuivre analogique sur le territoire. Pour pallier les différences de niveau de coûts observées avec le tarif du dégroupage, expliquées par le recours à une méthode de coûts historiques pour le service universel alors que les tarifs du dégroupage se fondent sur des coûts de remplacement, l’Autorité a revalorisé les éléments de capital utilisés dans le modèle de service universel. Le coût moyen obtenu est ainsi cohérent avec le CMILT moyen sur l’ensemble des lignes, de 12,16 €, calculé pour l’année 2002. En outre, toutes les composantes de ce coût moyen sur l’ensemble des lignes (coûts des éléments de réseau, d’exploitation,..) sont également en cohérence avec la décomposition par éléments présentée précédemment. Ainsi, le coût moyen reste conforme à celui établi par la méthode des CMILT, le modèle de péréquation géographique du service universel n’étant utilisé que pour en évaluer la dispersion selon la zone géographique.

Cette approche permet de mesurer l’effet de déploiement sur le coût de l’accès totalement dégroupé.

Il résulte de cette modélisation qu’un tarif de 10,2 € correspond à une couverture significative du territoire, et représente une assiette potentielle pour le dégroupage de plus de 21 millions de lignes.

Toutefois, l’Autorité considère qu’il convient de prendre en compte les cas, minoritaires, où un opérateur dégrouperait en dehors de cette large zone durant la période de validité de ce tarif.

Compte tenu de l’incertitude relative au dégroupage effectif de lignes dans les zones n’ayant pas encore fait l’objet de commandes de salles par les opérateurs, et des délais nécessaires pour le dégroupage dans ces mêmes zones, le processus de dégroupage n’y ayant pas encore été initié, l’Autorité considère que la probabilité de dégroupage d’une ligne en dehors de l’assiette considérée ci-dessus est très inférieure à la probabilité de dégroupage à l’intérieur de cette assiette. En effet, aucune commande ferme de site ne concerne à ce jour la zone extérieure à l’assiette de référence retenue pour le calcul du tarif orienté vers les coûts, et un délai de plusieurs mois est nécessaire à la livraison d’équipements commandés.

Le tarif prenant en compte d’une part les coûts de l’ensemble des lignes de l’assiette de 21 millions de lignes précitée et d’autre part une probabilité de déploiement pour les autres lignes, vient s’établir à 10,5 € avec la perspective raisonnable que 5% des lignes dégroupées le sont en dehors de l’assiette.

Ce tarif péréqué, et tenant bien compte des probabilités de déploiement de dégroupage partout en France, est valable pour l’ensemble du territoire. Il est susceptible de révision si l’état du déploiement effectif venait à le justifier. En l’état actuel des choses, on peut considérer que ce tarif devrait trouver à s’appliquer au cours des années 2002 et 2003.

5.2 Le tarif de l’abonnement mensuel pour la fourniture de l’accès partagé

L’Autorité de régulation des télécommunications avait considéré dans sa décision 01-135 de modification de l’offre de référence de France Télécom qu’il pouvait être jugé prudent avant le démarrage du dégroupage de prémunir France Télécom contre une éventuelle perte de marge sur les communications.

Il apparaît aujourd’hui que ce risque n’est plus à considérer : d’une part les moyens techniques disponibles actuellement ne permettent pas de concurrencer les " services voix " sur la base d’un simple accès partagé, et d’autre part, le délai nécessaire avant qu’une telle concurrence ne devienne possible, permet à France Télécom de se préparer à une telle éventualité.

De fait, l’usage de la bande passante haute dans le cadre d’un accès partagé sur une ligne n’engendre en soi pas de coûts récurrents supplémentaires pour l’opérateur historique, qui continue par ailleurs d’assurer un service téléphonique et perçoit un abonnement dans les mêmes conditions que pour une ligne non dégroupée.

L’équilibre de l’accès téléphonique pour France Télécom ne doit ainsi pas se trouver modifié par la présence d’un accès partagé, sous la seule réserve des coûts spécifiques.

La paire de cuivre est donc une ressource partagée entre le service téléphonique de France Télécom pour les fréquences basses et les service de l’opérateur dégroupeur pour les fréquences basses, sans que l’adjonction d’un service par rapport à l’autre ne crée de coûts supplémentaires. La théorie économique n’apporte pas de réponse à la façon d’allouer les coûts de la paire de cuivre dans ces conditions.

Dans une phase de développement des services de la fourniture d’accès partagé et de façon plus générale des services à haut débit, le service d’accès partagé doit être considéré comme supplémentaire par rapport au service téléphonique de France Télécom. Il en résulte que le tarif de la paire de cuivre alloué à un accès partagé doit correspondre aux coûts incrémentaux de l’accès partagé, c'est-à-dire à ses coûts spécifiques. Il va de soi qu’une telle analyse est transitoire : quand le service d’accès partagé aura atteint un volume significatif, il sera nécessaire de trouver un autre partage des coûts de la paire de cuivre.

Une telle analyse économique a notamment été suivie par l’OFTEL au Royaume-Uni et par le RegTP en Allemagne.

Il en résulte que le tarif de l’accès partagé devrait être défini comme le maximum des coûts spécifiques récurrents du dégroupage et du plancher réglementaire prévu dans l’article D. 99-24 du code des postes et télécommunications, qui prévoit :

Les tarifs pratiqués pour l’accès partagé à la boucle locale ne peuvent être inférieurs à ceux de l’accès totalement dégroupé diminués du montant de l’abonnement au service téléphonique au public. "

Le tarif pratiqué pour l’accès totalement dégroupé pour 2002 étant très proche du montant de l’abonnement, le plancher réglementaire s’établit à un niveau inférieur aux coûts spécifiques qui se montent à 0,61 euro selon les propres évaluations de France Télécom en 2001.

Néanmoins, le service d’accès partagé ne se conçoit qu’accompagné d’une prestation de filtrage des fréquences hautes ainsi que l’a exposé l’Autorité dans sa décision n° 02-278 de règlement de différend entre LDCOM et France Télécom du 28 mars 2002.

Le coût de fourniture de cette prestation de filtrage a été évalué à 2,25 euros par mois et par accès. Ce tarif a d’ailleurs été repris par France Télécom page 56 de son offre de référence datée du 11 avril 2002.

Il en résulte que le tarif mensuel 2002 de l’accès partagé incluant le service de filtrage ne saurait être supérieur à 2,86 euros par mois.

5.3 Les frais d’accès au service

En 2001, les frais d’accès au service étaient de 107,9 euros (708 francs) par ligne, que ce soit en accès total ou en accès partagé. Ce tarif recouvrait à la fois les coûts techniques et commerciaux (c'est-à-dire les coûts de traitement en agence) liés à la fourniture de la ligne et certains coûts spécifiques au dégroupage : amortissement des coûts de mise à niveau du système d’information pour le dégroupage et des coûts de la plate-forme de commande opérateurs.

L’Autorité a réexaminé le montant de ces frais d’accès au service en les comparant, pour ce qui concerne les coûts techniques et commerciaux, aux frais d’accès au service perçus par France Télécom dans le cas du service téléphonique. En effet ces frais d’accès au service sont soumis à une obligation d’orientation vers les coûts et, selon l’article 4 quater de la Directive dite " concurrence " 96-19 du 13 mars 1996 susvisée, " les Etats membres autorisent leurs organismes de télécommunications à rééquilibrer leurs tarifs en tenant compte des conditions spécifiques du marché et de la nécessité d’assurer un service universel abordable ". Par ailleurs, le considérant 20 indique qu’" en matière de structure tarifaire de la téléphonie vocale, il convient de distinguer entre la redevance initiale de connexion, l’abonnement mensuel et les tarifs locaux, nationaux et internationaux ".

L’avis 99-460 de l’Autorité en date du 2 juin 1999 a été favorable à la dernière demande de France Télécom d’augmenter son tarif de mise en service pour le porter à 38,56 euros dans tous les cas. Aucune autre demande n’a été déposée depuis par France Télécom.

Dès lors, on peut considérer que les tarifs de mise en service proposés par France Télécom dans la décision tarifaire sur laquelle porte l’avis 99-460 de l’Autorité sont au moins égaux aux coûts techniques et commerciaux qu’elle engendre.

Par ailleurs, les opérations techniques et commerciales nécessaires au dégroupage d’une ligne sont en moyenne comparables aux opérations effectuées par France Télécom pour la fourniture du service téléphonique à un client.

Les frais de mise en service d’une ligne dégroupée (que ce soit en accès total ou en accès partagé) ne sauraient ainsi être supérieurs à 78,7 euros, ce montant incluant à la fois les coûts, spécifiques au dégroupage, d’adaptation du système d’information et de plate-forme de commande, et les coûts liés aux opérations techniques et administratives (38,56 euros).

5.4 Câbles de renvoi

La prestation de renvoi des accès du répartiteur de France Télécom à l’espace de co-localisation des opérateurs représente un coût important pour les opérateurs. Ainsi, pour les répartiteurs parisiens, il est avéré qu’un câble 128 paires revient communément à plus de 50 000 francs en coût initial, soit plus de 70 euros par paire selon les devis établis par France Télécom.

Tant que les enquêtes engagées par l’Autorité n’ont pas abouti, il est demandé à France Télécom, en se fondant sur les valeurs actuellement connues, d’amortir le coût des câbles de renvoi sur une période de cinq ans et de mensualiser le tarif correspondant. Pour ce faire, et dans l’attente du résultat des enquêtes, l’Autorité considère que pour l’ensemble des répartiteurs, mono ou multi-modules, la longueur du câble de renvoi peut raisonnablement être estimée en moyenne à 100 mètres en cas de création d’une salle de co-localisation avec accès séparé et à 40 mètres en cas de co-localisation dans les salles où les équipements comparables de France Télécom sont eux-mêmes installés. Initialement évaluée à 30 mètres, cette longueur a été fixée à ce stade à 40 mètres pour tenir compte des observations du 10 avril 2002 de France Télécom.

Sur la base des informations fournies par France Télécom pour un câble L120, soit 2328,65 euros de coût fixe, 54,12 euros par mètre de câble et un abonnement annuel de 77,59 euros, il ressort un coût pour la première année de 7818 euros pour le câble de renvoi L120 en cas de création d’une salle de co-localisation. Pour un câble de ce type, en amortissant les coûts sur 5 ans et en les actualisant, le tarif mensuel de location s’établit alors à 162 euros (soit environ 1,3 € par paire et par mois) quel que soit le type de répartiteur. Pour un câble L804 de 128 paires, le même calcul conduit à 125 euros.

Dans le cas plus général de co-localisation dans les salles où les équipements comparables de France Télécom sont eux-mêmes installés, le coût pour la première année s’établit à 4571 euros, pour un câble de 128 paires L120, ce qui conduit après amortissement et actualisation à un tarif mensuel de location de 97 euros (soit 0,8 € par paire) quel que soit le type de répartiteur. Pour un câble L804 de 128 paires, le même calcul conduit à 79 euros.

Ces tarifs mensuels pour les câbles de renvoi, respectivement dans le cas d’une salle de colocalisation et dans celui de colocalisation dans les salles où les équipements comparables de France Télécom sont eux-mêmes installés, constituent un plafond provisoire dans l’attente des éléments de coûts que France Télécom devra communiquer en application de l’article D.99-24 du Code des Postes et télécommunications et sont établis dans le souci de permettre l’émergence rapide d’une offre viable tout en respectant le principe d’orientation vers les coûts. Ils seront réexaminés à la lumière des résultats des enquêtes diligentées par l’Autorité, notamment en ce qui concerne l’estimation provisoire des longueurs de câble retenues à ce stade.

Décide :

Article 1 - Il est demandé à France Télécom de modifier la prestation de colocalisation définie dans l’offre de référence pour l’accès à la boucle locale en vigueur dans les conditions suivantes :

a) Dans les sites où aucune salle de cohabitation spécifique n’a à ce jour été fermement commandée par un opérateur, France Télécom doit proposer à tout opérateur qui en fait la demande d’installer et d’exploiter lui-même ses équipements au titre de la colocalisation physique des équipements dans des salles à l’usage commun de France Télécom et des opérateurs. France Télécom devra privilégier les espaces conduisant à la meilleure efficacité économique de la colocalisation, c’est-à-dire nécessitant le moins d’aménagements spécifiques possible.

b) France Télécom ne pourra pas imposer à un opérateur, sauf en cas de manque d’espace, le recours à une salle de cohabitation dédiée ni la construction de toute structure à l’usage spécifique des opérateurs tiers. En particulier, aucune migration vers une solution de colocalisation différente ne pourra être imposée.

c) En cas de manque d’espace, France Télécom devra proposer à l’opérateur demandeur une procédure contradictoire de vérification, et notamment une visite du site concerné.

d) France Télécom devra proposer dans son offre de référence une prestation d’accès par les opérateurs tiers à leurs équipements colocalisés. La prestation devra prévoir un accès permanent, non accompagné et sans rendez-vous pour un nombre suffisant d’intervenants des opérateurs colocalisés et de leurs sous-traitants, au regard du volume de leurs tâches opérationnelles. Le tarif de cet accès ne pourra rémunérer que le coût d’utilisation du système d’accès utilisé par le personnel de France Télécom et par ses propres sous-traitants. Les délais d’obtention du droit d’accès devront être équivalents à ceux applicables aux personnels de France Télécom et à ses sous-traitants.

e) Le délai de réponse à une demande de colocalisation dans une salle commune à France Télécom et aux opérateurs ne pourra pas dans le cas général excéder 15 jours. Le délai de fourniture d’un tel espace de colocalisation ne pourra pas excéder 8 semaines à compter de la demande initiale d’un opérateur. Les mêmes compensations que pour la colocalisation en salle dédiée s’appliqueront en cas de retard de livraison.

f) France Télécom devra proposer avant le 30 mai 2002 la description détaillée de la configuration standard correspondant à la préparation minimale et nécessaire par France Télécom d’un espace de colocalisation dans une salle commune à France Télécom et aux opérateurs. France Télécom devra également publier dans son offre de référence des tarifs pour l’ensemble de cette prestation de colocalisation, avant le 30 mai 2002. Les tarifs doivent être orientés vers les coûts d’un opérateur efficace pour la configuration technique définie et rémunérer notamment l’usage par les opérateurs des infrastructures générales du site considéré sur les mêmes bases que dans le cadre de l’interconnexion.

Article 2Il est demandé à France Télécom de modifier les processus de commande et de livraison des paires dégroupées définis dans l’offre de référence pour l’accès à la boucle locale en vigueur dans les conditions suivantes :

a) France Télécom devra inscrire à son offre de référence le principe de mesure et de communication des délais moyens de traitement des commandes d’accès dégroupés, le cas échéant variables en fonction des zones géographiques.

b) A compter de la date de la présente décision et jusqu’au 1er septembre 2002, les frais de commande non conforme et d’intervention à tort en SAV ou pour la mise à disposition d’un accès par activation d’un accès préexistant par tronçons ne sont plus applicables.

Article 3 – Il est demandé à France Télécom de modifier les tarifs de son offre de référence en vigueur pour l’accès à la boucle locale dans les conditions suivantes :

  • le tarif de l'abonnement mensuel (par accès) pour la fourniture de l'accès total ne doit pas être supérieur à 10,5 € ;
  • le tarif de l'abonnement mensuel (par accès) pour la fourniture de l'accès partagé incluant la prestation de filtrage ne doit pas être supérieur à 2,9 € ;
  • le tarif de frais d'accès au service pour la fourniture de l'accès total et de l'accès partagé ne doit pas être supérieur à 78,7 € ;
  • dans l’attente des résultats des investigations engagées par l’Autorité sur cette question, les tarifs des câbles de renvoi L120 et L804 doivent être mensualisés et ne sauraient dépasser respectivement 162 et 125 euros par mois dans le cas où une salle spécifique de co-localisation est créée, et 97 et 79 euros par mois en cas de co-localisation dans une salle existante de France Télécom.

Article 4 - Il est demandé  à France Télécom de publier une nouvelle offre de référence respectant les conditions décrites aux articles 1 à 3 d’ici le 2 mai 2002.

Article 5 - Le président de l’Autorité notifiera à France Télécom la présente décision qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 16 avril 2002

Le Président

Jean-Michel Hubert


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